Jeudi 6 avril
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15:11
Les intrusions d'Akermann dans ses territoires de cueillette prenaient des tournures très variées : rapide aller-retour, baguenaudage, mais quand le frai était à son goût il faisait le beau, papillonnait, certaines vendeuses lui souriaient, d'autres le flattaient, entraient dans son jeu, et il les ignorait, trop facile, au beurre Akermann préfèrait le silex, celles qui le tenaient à distance intriguées par ce grand type, élégant et précieux, qui tirait des bords entre les cintres, tripotait jupes et chemisiers. Akermann s'en tenait toujours à ce type de pièces, simples à manipuler, disait-il, en réalité elles étaient l'essentiel de ce qu'il aimait ôter aux femmes désirées; les rétives.
Au soir de ses virées, affalé dans un fauteuil du bar Ernest, où maraudait Bohringer en tongs bleus, bronzé comme une vieille pute, Akermann racontait. Face à lui, Del Orto, l'écoutait en sirotant des hypocrites : du Calvados noyé dans le jus d'oranges pressées. Il connaissait la chanson par coeur, paroles et musique, mais dans les vapeurs d'alcool qui embuaient ses petits yeux porcins ça lui semblait à chaque fois nouveau.
Akermann s'enflammait. Sa nouvelle moisson de belles inaccessibles, toutes bâties sur le même modèle, des blondes de blé, fausses, arachnéennes, en chair sans trop de pulpe, de longs compas, des lianes fermes, garces et femme-enfant, mariées si possible, élégantes, du chic et du chien, des petites reines blanches, transparentes et insignifiantes, qu'il posait sur un piedestal pour mieux les honorer.
Par L'inconnu du 21
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Publié dans : La petite fille au jupon rouge
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Mercredi 5 avril
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12:56
Les petites d'AKERMANN
Akermann les ramassait, c'était plus fort que lui, il ne pouvait se réfréner. Del Orto son chauffeur, un type rondouillard et adipeux, qui passait son temps - et Dieu sait qu'il en avait beaucoup, avec ce cinglé d'Akermann, du temps - à lire des romans d'amour et la revue Psychologie. Comme pour s'excuser, il disait que c'était sa part féminine ce qui lui attirait les sarcasmes de son patron.
A chaque fois qu'Akermann ramassait une petite nouvelle, et ça lui arrivait de temps en temps, même si ces derniers temps ce n'était plus très souvent, Del Orto soupirait en tripotant sa chevalière en or jaune pétant, qui rendait plus encore ses petits doigts boudinés grotesques, monsieur vous êtes le spécialiste des chiens perdus sans collier; la remarque ne venait pas de lui, il l'avait ramassée sur la quatrième de couverture d'un certain Jacques André, un psy lisible, bitable dans son vocabulaire.
Ses petites, comme il les appelait, Akermann les ramassait dans le boutiques de fringues pour filles, à l'exception des coiffeuses, qu'il chérissait tout particulièrement, et que bien sûr il ramassait dans les salons prévus à cet effet. Son mode opératoire ne répondait à aucune règle précise. De longues semaines pouvaient s'écouler sans qu'il ne se mettent en branle - ce mot ravissait Del Orto - alors que d'un seul coup, le même jour, il décidait d'investir tous ses territoires de cueillette. Maraudait. Del Orto sur ses talons, jouait les porteurs d'eau. Abandonné aux portes des boutiques, planté sur le trottoir, stoïque, il faisait le pied de grue lesté, au fur et à mesure des achats d'Akermann, de sacs en carton.
Par L'inconnu du 45
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Publié dans : La petite fille au jupon rouge
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Mardi 4 avril
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17:03
La petite était maquillée comme une voiture volée...
L'inconnu du 45 attendait le déclic, en vain, et puis un mardi noir, c'est ce qu'écrivaient les journaux, en ouvrant par inadvertance une fenêtre sur le hasard, à l'à pic, en une étrange posture, forme élevée de la désinvolture, la petite lui apparut, nue, si ce n'était ce voile de gaze enroulé autour de son cou gracile et des mains d'homme posées, à plat, sur le haut de ses fesses. Ce n'était pas une diablesse, même si tout en elle semblait suave, à l'extrême, que ses doigts, longs et fins, aux ongles peints, serres sauvages d'une belle impudique, rétive mais comme en attente d'être soumise par un main implacable.
Le licol, noir, en accord avec ses dessous, frêles voiles que celui qu'elle pensait être l'homme de sa vie ne savait que défaire, sans volupté, en désaccord avec l'extrême plaisir qu'elle sentait monter en imaginant des mains expertes, attentives, dures et impérieuses, celles de celui qui déchirerait le voile, s'imposerait en elle, ferait d'elle une reine esclave. Belle pour lui dans le silence de ses nuits, sur sa couche froissée, insoucieuse du corps auprès d'elle allongé.
Secrets émois, langueur, et le point de braise jaillit la propulsant au plus haut d'un enfer aux tentures pourpres, elle gémit, quémande, supplie, s'ouvre et s'attise. A ses côtés, son homme dort. Elle n'a aucun remord d'être en d'autres mains, si près, si loin, c'est son destin. Des mots, ses seins adorés, toutes ses lèvres en feu, la descente impitoyable et tout sera écrit. Elle ne sera qu'à lui. L'homme de sa vie. L'homme de ses nuits. Pas celui qui croît l'avoir annexé pour la vie.
Par L'inconnu du 21
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Publié dans : La petite fille au jupon rouge
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